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Yann Furic
B.B.A., M. Sc., CFAMD

Gestionnaire principal, répartition d’actifs et stratégies alternatives

Le 2 avril 2025, journée aussi désignée sous le nom de Liberation Day par l’administration américaine, le président Trump a dévoilé une longue liste de nouveaux taux tarifaires qui devaient être imposés aux exportations d’un grand nombre de pays une semaine plus tard. Ces tarifs devaient servir à financer le gouvernement, ramener la production manufacturière aux États-Unis et contraindre les pays assujettis à abaisser leurs barrières commerciales.

Situation mondiale actuelle : la valse des tarifs

 

Le 9 avril, à la suite d’une hausse importante du taux d’intérêt sur les obligations gouvernementales à échéance de 10 ans, l’administration Trump a décrété une pause de 90 jours sur l’imposition des tarifs, à l’exception de ceux annoncés pour la Chine. L’objectif de cette pause était de négocier des ententes avec divers pays afin de réduire le niveau des barrières tarifaires et non tarifaires. Le 11 mai, une réduction des tarifs et une pause de 90 jours ont été mises en place avec la Chine.

Depuis, les marchés sont en attente du résultat de ces négociations. Durant cette période, les entreprises américaines ont aussi amorcé la divulgation de leurs résultats trimestriels qui, dans l’ensemble, se situent au-delà des attentes. Cependant, les commentaires des dirigeants reflètent l’incertitude des politiques commerciales et plusieurs ne donnent aucune indication sur la trajectoire future des ventes et des profits.

Le niveau élevé d’indécision ralentit les dépenses des entreprises et possiblement celles des consommateurs.

Quand les consommateurs ressentiront-ils l’impact des tarifs?

Profitant du délai d’imposition du tarif minimal de 10 %, les importations massives d’une variété de biens provenant d’une multitude de pays à travers le monde ont permis aux entreprises d’augmenter leurs inventaires. À titre d’exemple Reuters a rapporté qu’Apple aurait nolisé un avion pour transporter plus de 1,5 million d’iPhones de l’Inde aux États-Unis. C’est donc dire que, pour le consommateur, l’impact ne serait pas ressenti avant la fin du mois de mai ou le début de juin, selon les estimés.

Il pourrait exister un scénario selon lequel les tarifs annoncés n’entreraient jamais en vigueur. En Chine, l’imposition initiale de tarifs de 145 % ont eu pour effet de réduire de façon considérable les commandes des entreprises américaines. Comme la fabrication et la livraison par bateau à partir de la Chine exigent des délais importants, des entreprises comme Walmart doivent passer leurs commandes longtemps à l’avance si elles veulent avoir suffisamment d’inventaire pour répondre à la demande des consommateurs à certains moments critiques de l’année, comme le retour à l’école ou le temps des fêtes. L’incertitude actuelle pourrait provoquer des pénuries de marchandises, ce qui entraînerait une augmentation des prix et de l’inflation, une situation qui s’apparenterait à celle que nous avons vécu après la pandémie.

Il faut aussi considérer qu’un ralentissement dans la chaîne logistique des approvisionnements cause des pertes d’emplois pour les débardeurs, les camionneurs et l’industrie ferroviaire ce qui, en retour, conduit à un ralentissement économique.

Pendant ce temps, au Congrès américain…

Par ailleurs, le Congrès américain poursuit ses discussions sur le budget et le maintien des réductions d’impôts, malgré un déficit élevé. L’administration américaine voudrait signer ce nouveau budget le 4 juillet, jour de la fête de l’Indépendance américaine. Les négociations sont en cours… Pour le moment, l’économie américaine et l’emploi se maintiennent.

Le taux d’échéance à 10 ans des obligations du Trésor américain joue un rôle de chien de garde dans la gestion des dépenses et des déficits qui en découlent. La nuit précédant la mise sur pause de la plupart des tarifs pour une période de 90 jours, ce taux a dépassé les 4,50 %, ce qui a un impact sur le financement des entreprises, les hypothèques et le financement à long terme de la dette américaine.

Les marchés oscillent actuellement entre un ralentissement économique et la probabilité d’une réduction des taux directeurs que la Fed annoncerait en cas de pertes d’emplois, même si l’inflation est encore supérieure aux cibles fixées et l’économie plus vigoureuse qu’escompté, avec tout de même un déficit dont on devra tenir compte avant longtemps…

Nous pouvons raisonnablement nous attendre à ce que les marchés naviguent entre ce ralentissement relié aux tarifs et une augmentation de l’inflation ou une économie qui parvient à se maintenir mais qui doit limiter ses dépenses gouvernementales, sous peine de déclencher des taux d’intérêt élevés qui auraient certainement pour effet de freiner l’économie.

Le rôle de la Fed

La Fed a un double mandat : atteindre une stabilité des prix (cible d’inflation autour de 2 %) et le plein emploi. Dans un environnement de tarifs élevés, il est difficile d’imaginer une inflation retournant à la cible : en fait, il faudrait une récession accompagnée de pertes d’emplois importantes pour voir la Fed réduire ses taux.

Pour les autres grandes banques centrales mondiales, l’inflation ne constitue pas un sérieux problème actuellement; de plus, ces banques n’ont pas explicitement le mandat de maintenir le plein emploi. Ceci veut dire que la Banque du Canada ou sa contrepartie européenne pourraient continuer de réduire leurs taux pour stimuler leurs économies respectives.

Un scénario à envisager

Une réduction des tarifs, principalement dans le cas de la Chine, serait probable. La rencontre des derniers jours entre des représentants américains et chinois qui a eu lieu en Suisse semble aller dans la bonne direction.

Le maintien d’un tarif minimum de 10 % ne devrait pas être modifié, une taxe déguisée permettant au gouvernement fédéral de financer son budget.

Pour le Canada, toute réduction de tarifs sera la bienvenue. L’absence de tarifs supplémentaires pour le Canada et le Mexique lors de la fameuse annonce du 2 avril a pu être interprété comme une pause, en attendant une renégociation plus rapide que prévu de l’accord tripartite de l’ACEUM.

Ailleurs dans le monde

Dans le cas des pays émergents, une dévaluation du dollar américain serait propice à leur croissance économique. Quant à la Chine, elle a annoncé depuis plusieurs mois des mesures visant à dynamiser son économie.

En résumé, les pays qui auront les moyens de relancer leur économie, que ce soit avec des stimulus fiscaux ou monétaires, pourront affronter les mesures protectionnistes ambiantes.

 

Ce qui a fait bouger les marchés en avril:

  • Le « Jour de la libération » : le nouveau casse-tête mondial.
  • Élections canadiennes : un gouvernement libéral minoritaire au pouvoir.

 

Risque modéré de récession

SURVOL DES BOURSES MONDIALES
Tous les pourcentages affichés sont en devise canadienne.

Pays

Indice

Rendement
(du 1er au 30 avril 2025)

Évolution

Rendement cumulatif
(depuis le 1er janvier 2025)

Canada

S&P/TSX

-0,10 %

1,41 %

États-Unis

S&P 500

-4,68 %

-8,68 %

Nasdaq

–3,18 %

-13,06 %

Bourses internationales

EAEO

-0,37 %

7,34 %

Pays émergents

-2,77 %

0,15 %

Chine

MSCI Chine

-8,12 %

5,76 %

Le rendement indiqué est le rendement total qui inclut le réinvestissement des revenus et des distributions de gains en capital.

Source : Morningstar Direct.

Résultats – obligations canadiennes

L’indice des obligations universelles FTSE Canada, regroupant les obligations, a affiché un rendement positif de 1,36 % depuis le début de l’année (au 30 avril 2025).

Source : Morningstar Direct.

Notre analyse des évènements

Tarifs Chine

Taux directeurs

  • Le 7 mai, la Réserve fédérale américaine (Fed) a gardé ses taux à leur niveau actuel. La politique tarifaire américaine, dont les retombées seront inflationnistes, pourrait aussi limiter les réductions de taux en 2025. Dans ses commentaires, le gouverneur de la Fed, Jerome Powell, a indiqué que l’incertitude autour de l’inflation et de l’emploi est plus élevée qu’elle ne l’était lors de leur dernière rencontre.
  • La Banque du Canada (BdC) a conservé son taux directeur à 2,75 % le 16 avril, l’inflation se maintenant dans sa fourchette cible. L’incertitude concernant l’imposition de tarifs par les États-Unis pourrait modifier la politique monétaire et mener à des baisses de taux supplémentaires. Présentement, les marchés anticipent deux baisses de taux en 2025.

Situation de l’emploi

  • La création d’emplois aux États-Unis a été plus élevée que prévu en avril, 177 000 emplois ayant été créés face à des attentes de 138 000. Soulignons qu’encore une fois, les données du mois dernier ont été révisées à la baisse. L’inflation salariale est encore trop élevée à 3,8 %, comparativement à l’année dernière. Le taux de chômage est stable à 4,2 %, alors que le nombre moyen d’heures travaillées a augmenté.
  • Le gain de 7400 emplois au Canada en avril a surpassé les attentes de 5000 nouveaux travailleurs. Malgré cette progression, le taux de chômage a augmenté de 0,2% pour se situer à 6,9 %. La croissance des salaires, sur une base annuelle, est de 3,5 % et alignée avec le mois dernier.

Inflation

  • Au Canada, le taux d’inflation annuel s’est établi à 2,3 % pour le mois de mars, en baisse de 0,3 % face au mois précédent (2,6 %), le congé de TPS durant la période des Fêtes ayant rendu la donnée moins fiable. Aux États-Unis, le taux d’inflation annuel a diminué de 0,4 % pour atteindre 2,4 % en mars, dû principalement à la baisse du prix de l’énergie. Cette donnée reflète l’état de la situation avant l’annonce des tarifs.

Éléments à considérer pour les prochains mois

  • La réduction de la règlementation dans divers secteurs d’activités aux États-Unis devrait permettre de maintenir la croissance économique et de favoriser l’investissement. Cette tendance à la déréglementation devra être suivie par d’autres pays, comme le Canada, au risque d’une perte de compétitivité.
  • Une guerre commerciale soutenue par l’utilisation de tarifs sans discrimination pourrait causer un ralentissement économique et augmenter l’inflation. Cette situation se rapprocherait d’un épisode de stagflation, le scénario économique le plus négatif.
  • Tous les scénarios inflationnistes qui auraient pour conséquence de conserver les taux d’intérêt pour les échéances de cinq à dix ans à des niveaux élevés seront à éviter puisqu’ils ralentiraient les investissements des entreprises et le rapatriement des chaînes de production aux États-Unis.

L’incertitude géopolitique continuera d’être présente avec la guerre Russie-Ukraine, les conflits régionaux au Moyen-Orient, les tensions entre les États-Unis

Indicateurs économiques

Indice global des directeurs d’achats

Les indicateurs du segment manufacturier sont en baisse, près des deux tiers des trente pays qui le composent affichant un indice inférieur à 50 (contraction). Le segment des services continue de se maintenir et reste vigoureux.

Taux d’inflation

Sur une base globale, l’inflation diminue et continue d’évoluer dans la bonne direction, mais sa vitesse de décélération s’affaiblit. Les banques centrales n’effectueront probablement pas le même nombre de coupures de taux que ce qui était prévu il y a quelques mois. L’imposition de tarifs à l’échelle mondiale et sans discrimination par la nouvelle administration américaine pourrait créer des pressions inflationnistes en 2025.

Taux directeurs au Canada, en Europe et aux États-Unis 

Les taux d’intérêt sont à la baisse depuis quelques mois maintenant. Les craintes d’une reprise de l’inflation aux États-Unis devraient limiter ces baisses. A l’opposé, le Canada et l’Europe font face aux menaces tarifaires et leur inflation, plus faible, permet à leurs banques centrales d’abaisser encore leurs taux.

Panorama financier stratégie

Nos vues tactiques

En avril, nous avons réduit la pondération des actions dans la stratégie de répartition tactique. Nous avons abaissé les investissements au Canada, au Japon et dans les pays émergents et réinvesti en Europe continentale.

Aux États-Unis, nous avons conservé notre pondération en actions et notre positionnement dans les titres de croissance de grandes capitalisations qui réagissent positivement à une stabilisation des taux d’intérêt et dans ceux qui ont un historique de croissance des dividendes qui sont plus défensifs.

Dans la composante revenu fixe, nous avons augmenté la pondération des obligations et maintenu leur qualité en ne détenant que des obligations gouvernementales canadiennes et hors des États-Unis.

Nous continuons de privilégier les titres dans les pays développés et la gestion des risques.

Pour savoir comment nos fonds se sont comportés :

Voir nos rendements

 

Yann Furic, B.B.A., M. Sc., CFA
Gestionnaire principal, répartition d’actifs et stratégies alternatives

Source des données : Bloomberg

Les informations contenues aux présentes proviennent de sources que nous jugeons fiables; toutefois, nous n’offrons aucune garantie à l’égard de ces informations et elles pourraient s’avérer incomplètes. Les opinions exprimées sont basées sur notre analyse et interprétation de ces renseignements et ne devraient en aucun cas être considérés comme une recommandation. Pour toutes questions, n’hésitez pas à communiquer avec votre conseiller en gestion de patrimoine ou votre spécialiste en matière fiscale, comptable ou juridique.

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